Le Festival de Toronto toutes voiles dehors !

On savait déjà depuis quelques années que le Festival de Toronto était devenu l’une des trois ou quatre manifestations cinématographiques les plus importantes au monde, aussi bien du point de vue des films présentés que de celui de la profession, en particulier des exportateurs et acheteurs de films. Cette année, le Festival a bénéficié de la mise en service complète du Bell Lightbox, un immeuble entier flambant neuf comportant cinq salles de cinéma et des espaces d’exposition et de réunion, qui lui appartient en propre, après une souscription privée considérable. La manifestation s’est en outre maintenant regroupée dans la vicinité de son nouveau quartier général, sur quelques pâtés de maison de la ville, devenant ainsi infiniment plus facile pour les festivaliers. L’ouverture aux projections spéciales de la grande salle voisine de 1.500 places du théâtre « Princess of Wales » voisin a également donnée de nouvelles possibilités cette année.

Mais l’édification d’une domicile permanent propre au Festival, avec de nombreuses autres manifestations dorénavant organisées tout au long de l’année, n’est pas la seule ambition de Piers Handling, qui dirige de longue date l’ensemble de ces opérations. Assisté par Cameron Bailey à la codirection du Festival du Film à proprement parler, Piers Handling est une fois de plus parvenu à présenter au début de l’automne la fine fleur du cinéma mondial, qu’il s’agisse des films d’auteur ou des « locomotives » hollywoodiennes – ce qui en fait un événement de plus en plus « glamour » qui a maintenant aussi l’honneur des pages des magazines « people »: Georges Clooney, « Bragelina », Madonna ou Juliette Binoche, les flashes des photographes ont crépité!

L’aspect non compétitif du festival lui a en outre permis, comme chaque fois, de présenter aussi bien des films inédits, que des films « phare » présentés durant les mois précédents dans le monde entier, à commencer par les films les plus forts du Festival de Venise (avec un léger décalage symbolique seulement). Qu’il s’agisse du Lion d’or, le Faust, film de la maturité d’Aleksander Sokurov, de Shame, dont la mise en scène remarquable de Steve Mc Queen a valu à son acteur principal, Michael Fassbender, la Coupe Volpi du meilleur acteur, ou du populaire film d’ouverture, Les Ides de mars, de George Clooney, Venise était à Toronto, en somme. Mais l’on y vit aussi plusieurs des grandes nouveautés anglo-saxonnes de l’automne, y compris parfois des œuvres de facture plus « grand public », comme l’intelligent et humoristique Hysteria, de la réalisatrice Tanya Wexler, avec notamment Maggie Gillenhaal, le désopilant The Oranges, de Julian Farino, avec une distribution menée par Oliver Platt, Leighton Meester, Allison Janney et Hugh Laurie, ou le Trespass de Joel Schumacher avec Nicole Kidman, lui, huis clos bien banal, en vérité, comparé à ceux de Michael Hanneke… On vit aussi à Toronto Damsels in distress, le grand retour à l’écran après une longue absence, de Whit Stilman, l’auteur de Barcelona, un film dont l’humour complice se lit à chaque instant à plusieurs degrés tant il est en réalité fait de subtiles complexités superposées.

Au total, le Festival, ce fut 336 films, en provenance de 65 pays (dont 268 longs métrages) projetés dans une vingtaine de sections, de la populaire « Midnight Movies » dédiée aux films qu’on aurait autrefois qualifiés « de Série B », à la plus allusive section de documentaires « Real to reel ». Parmi eux, les films français furent nombreux, plus d’une trentaine, menés notamment par The Lady, le film de Luc Besson inspiré par la vie de la dissidente birmane Aung San Suu Kyi, et par Mon pire cauchemar, en première mondiale, le nouvel opus d’Anne Fontaine dont Isabelle Huppert tient la vedette en compagnie de Benoit Poelvoorde.

Les habitants de Toronto se pressèrent nombreux dans les salles durant les onze jours du festival, comme à l’accoutumée, et récompensèrent du « Grand Prix Cadillac du Public« , Where do we go now?, le second film de la réalisatrice de Caramel, Nadine Labaki. Les critiques de la Fipresci décernèrent quant à eux leur « Prix de la Critique Internationale » au vétéran italien Gianni Amelio pour Le Premier Homme et à Axel Petersen pour Avalon.

Quant aux professionnels, ils se bousculèrent lors des projections qui leur étaient réservés, même si la crise sembla initialement ralentir les flux d’achat. Mais vendeurs et acheteurs étaient bien tous là, ou presque, comme à Berlin ou à Cannes, comme on a notamment pu le vérifier lors des très courues réception d’Unifrance ou de « European Film Promotion », l’organisme de promotion du cinéma européen – qui avait à nouveau organisé son initiative d’aide aux coproductions entre l’Europe et le Canada, « Producers Lab Toronto« . Le cinéma mondial était bien présent dans la « Rue Royale » (King Street) de Toronto en septembre!

Philippe J. Maarek

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