L’excellente sélection de Mannheim-Heidelberg

La 62ème édition du Festival international du film de Mannheim-Heidelberg (Allemagne) s’est déroulée du 31 octobre au 10 novembre 2013. Si le catalogue mettait en avant la place dans femmes à l’écran, et le traitement de leurs différentes personnalités (la battante, la romantique, la rebelle, la sensible, l’artiste, etc.), il semble pourtant difficile d’y voir un vrai thème. Et, de façon assez ironique, le seul film sans actrice, Mandariinid de Zaza Urushadze (un monsieur, contrairement à ce que son prénom peut évoquer pour les francophones), a obtenu le prix du public et le prix spécial du jury…

La grande originalité de ce festival peu connu, y compris chez les journalistes de cinéma, et pourtant très ancien, tient dans l’excellente qualité de sa sélection. A une époque où beaucoup de premiers films tournent de festival en festival, il devient rare d’avoir la surprise de la découverte. Parmi les 18 films en compétition, le directeur du festival, Michael Koetz a choisi des pépites inconnues et harmonieusement mélangé les genres. Film historique, The Retrieval de Chris Eska (États-Unis) ; sujet de société traité avec humour et finesse, De Nieuwe Wereld de Jaap van Heusden (Pays-Bas) ; fantaisie zen, Koan de Printemps de Marc-Olivier Louveau (France) ou savoureuse déclinaison d’une pensée de Montaigne sur la foi à la mode orientale, Yuan Lai Ni Hai Zai d’Elsa Yang (Taiwan).

Quelques films s’éloignaient courageusement d’une réception grand public. Blackbird a été co-réalisé par trois jeunes Irlandais, Robyn Pete, Jamie Chambers et John Craine. Dans un bout du monde économiquement et géographiquement isolé, un jeune homme collectionne les rebuts de la société, que ce soit les morceaux de verre ramassés sur la plage ou les ballades traditionnelles chantées par des vieux en voie de disparition. Une belle photo, des personnages atypiques et attachants mais un traitement trop brouillon pour convaincre. Drift de Benny Vandendriessche (Belgique), dans une forme poétique et radicale, où le récit en pointillé entremêle le deuil et une meute de chiens sauvages, laisse à un acteur étonnant, Dirk Hendrikx emmener le spectateur vers l’univers âpre de la désolation physique. Le jury Fipresci lui a décerné son prix.

Présidé par István Szabó, le jury officiel a un peu déçu. Certes Melaza de Carlos Lechuga (Cuba) est un charmant portrait d’une famille empêtrée dans le quotidien cubain mais son traitement cinématographique, très classique et sans surprise, ne le place pas du côté des œuvres indispensables.

On regrette aussi l’habitude allemande de présenter les films, du moins ceux qui ne sont pas en compétition, en version doublée et qui nous a fait abandonner la projection de la version longue de « Alexander » d’Oliver Stone… Autre regret mais qui vaut pour beaucoup d’autres festivals : les films venus de pays anglophones présentés sans sous-titres, sont un réel handicap pour les jurés et les spectateurs qui, s’ils maîtrisent un peu l’anglais, ne sont pas forcément à l’aise avec les accents gallois, australiens, africains ou du sud des États-Unis.

Cela n’enlève en rien le plaisir d’avoir pu participer à cette édition du Festival de Mannheim-Heidelberg : une ambiance chaleureuse, une proximité quotidienne entre les réalisateurs et le public et une excellente sélection dans la compétition internationale.

Magali Van Reeth

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