Un 8° Abricot d’or goûteux à Erevan!

Le 8ème Festival international du film d’Erévan, s’est tenu en Arménie du 11 au 17 juillet. Cette manifestation est appelée Abricot d’or, en hommage au fruit si goûteux dont c’est la pleine saison en ce début d’été.

Le Festival, c’est l’occasion unique de voir en Arménie le meilleur du cinéma contemporain. The Tree of Life de Terence Malick, Copie conforme d’Abbas Kiarostami, Melancholia de Lars Von Trier, Pina de Wim Wenders, Le Cheval de Turin de Bela Tar ou Il était une fois en Anatolie de Nuri Bilge Ceylan ont été projeté devant un public très jeune et avide de cinéma qui a envahit les salles de projection du Palais Moscou. Il est vrai qu’Erévan ne compte plus qu’une seule salle commerciale. Bela Tar, Abbas Kiarostami et Nuri Bilge Ceylan sont venus présenter leurs films et répondre aux nombreuses questions du public. Dans la compétition internationale, Une Séparation d’Asghar Faradi qui a remporté la récompense la plus prestigieuse, l’Abricot d’or. Le réalisateur iranien n’a pas pu, pour des raisons politiques, venir recevoir ce prix.

La sélection arménienne a permis aux nombreux participants de découvrir la richesse artistique de ce pays dont la culture est millénaire et l’histoire dramatique. Le génocide de 1915 et les relations douloureuses avec la Turquie sont souvent au cœur des documentaires et donnent aux films de fiction une intensité particulière.

Une rétrospective des films de Dmitry Kesayants (1931/2001) a permis de découvrir ses films les plus anciens, dont Le Maître et le serviteur (1962) ou Le Roi Chakh-Chakh (1969) et de voir que la critique du régime soviétique peut s’exprimer sous forme de fables en apparence inoffensives.

Mais le film du réalisateur américain Brandon King, Here, entièrement tourné en Arménie, a dérouté les spectateurs. C’est l’histoire d’une rencontre amoureuse entre un géographe américain, chargé de cartographier l’Arménie, et une jeune photographe arménienne, qui parcourent ensemble le pays. Si les spectateurs arméniens ont savouré la beauté des paysages, ils ont eu du mal à accepter que le rôle principal soit confié à une non-arménienne, en l’occurrence Lubna Azabal (pourtant remarquable quand on ne parle pas couramment arménien…) et se sont plus attachés à repérer les erreurs que les partis-pris artistiques ou techniques.

Heureusement, d’autres films ont su gagner le cœur du public. Que ce soit des films de fiction, comme Lever de soleil sur le lac Van d’Artak Igityan et Vahan Stepanyan, évoquant avec finesse et humour la transmission de l’âme et de l’histoire arménienne entre un survivant du génocide et ses enfants et petits-enfants vivants à l’étranger. Ou documentaire comme Le Dernier hippy de la ville rose d’Anastasia Popova qui a permis d’évoquer le travail foisonnant de Robert Sahakyants, dessinateur et auteur de plusieurs films d’animation

Les pays de la CEI (états indépendants de l’ex Union soviétiques), pour fêter leurs 20 ans d’indépendance, avaient une sélection particulière, occasion unique de voir des films du Kazakhstan, Biélorussie, Tadjikistan, Moldavie ou Ouzbékistan et d’admirer la façon dont les cinéastes locaux utilisent la grammaire universelle du cinéma pour dire leurs préoccupations et leurs espérances. Enfin, pour la première fois cette année, le Festival accueillait une compétition de court-métrages. C’est Glasgow de Piotr Subbotko (Pologne) qui a été récompensé.

Magali Van Reeth

Le Festival de Seattle 2011

«Out of America»

Le jury FIPRESCI au 37e Festival International du Film de Seattle a été invité à primer le « meilleur nouveau film américain »  qui n’a pas encore trouvé un distributeur aux États-Unis. L’équipe de programmation du SIFF avait indiqué dans sa présentation qu’ils ont « sillonné le pays pour trouver les derniers et les plus grands films que les cinéastes indépendants américains ont à offrir». « Comme le paysage américain devient jonché des détritus de plus en plus fracturé d’une culture populaire jetable» expliquent-ils,  » le SIFF croit que ces films et ces cinéastes représentent la première vague d’une nouvelle tradition, plus résistante et, en définitive, durable de la narration ( storytelling) américaine « .


S’il en est ainsi, pour un juré ou critique étranger , les principaux thèmes et idées trouvés et exprimés dans cette sélection pourraient être, par conséquent, considérés comme une représentation légitime des tendances sociales et culturelles et des visions de la réalité, à la fois dans le cadre du monde des cinéastes indépendants américains « sans distributeurs aux États-Unis », ainsi que celles de toute une génération de jeunes artistes ou d’intellectuels, dans un monde changeant et globalisé (comme les penseurs contemporains et les politiciens aiment à le définir).Curieusement, ou non, dans ce nouveau monde du « nouveau cinéma américain», l’Amérique n’en est plus le centre. Le «rêve» n’est plus américain, il est ailleurs, au-delà des frontières, dans un monde « étranger » qui existe tout d’un coup et fournit un refuge sentimental, socioculturel, voire politique pour les déçus.


Dans le « storytelling » cinématographique américain traditionnel, l’Amérique a toujours été « le Monde ». A la recherche de la réussite, du bonheur, du salut personnel ou, d’autre part, fuyant le destin, toutes ces «odyssées» ont eu lieu au sein des frontières des États-Unis : La fièvre de l’or ou de la célébrité en Californie, peur et dégoût à Las Vegas ou nuits blanches à Seattle. Autrefois le héros des « road movies » voulait se rendre à Memphis ou à Hollywood … Aujourd’hui, Jimmy Testagross (Ron Eldard) dans « Roadie » de Michael Cuesta est viréde son travail et obligé de rentrer chez sa mère dans le Queens et à affronter son passé, tandis que ses anciens camarades de la bande vont en tournée en Amérique du Sud. « Le rêve sud-américain «  de Jimmy est brisé. Le «rêve américain» n’est plus qu’une pauvre émission de » téléréalité » ou un cauchemar, un symbole de l’échec. Et l’Amérique du Sud n’est plus synonyme de pauvreté, de danger, de drogue ou de corruption, elle devient une fenêtre sur le monde (nouveau). Le centre du monde pour les héros de « August » de Gay Eldar Rappaport ne se trouve pas aux États-Unis – c’est l’Espagne ou même le Royaume-Uni. «J’ai eu quelqu’un comme vous qui a promis qu’il veut rentrer à la maison. Après trois mois, il est retourné à Londres « , dit le patron de Troy (Murray Bartlett) quand il cherche du travail après un séjour de plusieurs années à Barcelone. Troy, évidemment, sera de retour à Barcelone. Et son ancien amant Jonathan (Daniel Dugan) qui rêve de Madrid va finalement se contenter d’un remplaçant Mexicain. Le très « post-Kubrickien » « Love » de William Eubank commence au cours de la guerre de Sécession, lorsque le lieutenant Lee Briggs se lance dans une mission secrète d’enquête sur un objet mystérieux trouvé dans un canyon du désert occidental. L’action bondit vers l’avenir assez proche, où l’astronaute Lee Miller se rapproche de la fin de son service à bord de la navette spatiale internationale. Cependant, toutes les communications avec la terre s’arrêtent. Miller se retrouve piégé seul, ses systèmes d’aide vitale et sa santé mentale dépérissent. Jusqu’à ce qu’il apprend qu’il n’ya plus de chemin du retour, parce que le monde réel qu’il avait connu n’existe plus . La guerre civile s’est avérée finalement inutile. Dans la mission sur Terre des » Codependent Lesbian Space Alien Seeks Same « , la réalisatrice Madeleine Olnek veut, bien sûr, souligner les problèmes de leurs homologues en Amérique. Là ce ne sont pas des émotions hyperactives qui menacent de détruire la couche d’ozone de notre planète, mais certains gaz à effet de serre prosaïques.
Qu’est qui fait fuir le rêve américain hors d’Amérique? Est-ce la crise économique mondiale qui empiète naturellement sur l’industrie du cinéma? Le monde « post-américain » qui devient politiquement « multipolaire »? La « Fin de l’Histoire », tandis que d’autres commencent la leur? L’ouverture d’une nouvelle génération vers «L’Autre»? Ou, peut-être, des peurs ancestrales et des sentiments de culpabilité, comme ceux qui portent les héros du plutôt gentil « Bigfoot film » écologique de Christopher Munch « Letters From Big Man« , hantés par la présence des habitants « originaux » de leur forêt face à la menace envahissante de la déforestation.


Notre magnifique film primé « On the Ice »», tourné au milieu des champs de neige et des glaciers de Barrow, en Alaska (avec une partie du dialogue parlée dans la langue autochtone) se termine par le départ du coupable, ou auto-coupable héros de sa patrie vers l’inconnu. Nous aimerions croire qu’il va trouver la chaleur, l’ouverture, la bonté et la miséricorde ailleurs dans ce monde. Mais serait-il vraiment capable d’échapper à son destin, dans ou en dehors de l’Amérique? Nous ne le saurons pas.

Gideon Kouts

Pour Mahnaz Mohammadi

Communiqué de Presse du 1er Juillet 2011

L’Union des Journalistes de Cinéma s’élève vigoureusement contre l’arrestation sans préavis et sans aucune information concernant les chefs d’accusation de la cinéaste iranienne Mahnaz Mohammadi, la réalisatrice du film « Femmes sans ombre », militante engagée des droits de la femme, venant après plusieurs autres condamnations et arrestations d’autres cinéastes ces derniers mois.

La censure et l’atteinte à la liberté d’expression du cinéma iranien ne suffisant apparemment pas, c’est à la liberté des cinéastes qu’il est maintenant systématiquement porté atteinte, pour des raisons uniquement politiques.

Comme pour toute situation de ce genre, quel que soit le pays où elle a lieu, l’Union des Journalistes de Cinéma exprime sa solidarité et son soutien à Mahnaz Mohammadi.