Berlin 2010

LE FESTIVAL DE BERLIN: UN 60° ANNIVERSAIRE SOUS CONTRÔLE !

Pour son 60° anniversaire, le Festival a su éviter toute surenchère en continuant à focaliser l’attention sur les films sans les en détourner par des commémorations excessives. Au fond, la principale fête, ce fut en plein air sous la neige, la projection d’une copie intégrale du Metropolis de Fritz Lang retrouvée… en Argentine!

Imitant cette sagesse des responsables du Festival, Dieter Kosslick, son directeur, Wieland Speck, le responsable de la section Panorama, et Christoph Terhechte, celui du Forum International du Jeune Cinéma, le jury présidé par Werner Herzog a conçu un palmarès irréprochable entièrement versé vers la cinéphilie.

L’Ours d’Or, la récompense suprême, fut décerné à Bal (Miel) du réalisateur turc Semih Kapanoglu, un filmallégorique retraçant la quête d’un père par son fils que les critiques avaient fort bien accueilli. Plus applaudi encore fut l‘Ours d’Argent du meilleur réalisateur, décerné en son absence à Roman Polanski. SonGhostwriter, un film d’espionnage achevé dans des conditions difficiles alors qu’il était emprisonné, puis en résidence surveillée en Suisse est effectivement un beau film de genre, qui montre la maîtrise d’un réalisateur au sommet de son art. Pour les prix d’interprétation masculine, le jury fit encore le choix de la cinéphilie en le partageant au profit des deux acteurs russes de Comment j’ai fini l’été, de Alexej Popogrebski, Grigori Dobrygin et Sergei Puskepalis, qui portent effectivement avec conviction un duo dramatique dans une station polaire Arctique.z L’Ours d’Argent de la meilleure actrice couronna aussi une belle prestation d’actrice, celle de Shinobu Terajima dans le rôle ardu de la femme d’un homme-tronc dansCaterpillar, du japonais Koji Wakamatsu. On signalera enfin, parmi les autres récompenses, l’Ours d’Argent bien mérité du meilleur scénario du film chinois qui fit l’ouverture, Apart Together, un prix partagé entre le réalisateur-scénariste, Wang Quan’an et son co-scénariste Na Jin, qui arrivent à faire alterner humour et émotion dans un film enlevé avec talent par trois acteurs âgés, dans le rôle de personnages qui se retrouvent après un demi-siècle de séparation, l’un bloqué à Taïwan, les autres en Chine continentale.

Du côté des professionnels, on attendait de voir si le Marché du Film berlinois – toujours mené par la sagace Beki Probst – allait être marqué par la crise économique mondiale. La réponse fut encourageante. D’une part, les accréditations y furent plus nombreuses que jamais (le chiffre officiel dépasse les 2400 acheteurs et vendeurs), et d’autre part, les affaires semblèrent d’un bon niveau. Il faut bien constater cependant que les acheteurs semblèrent rester assez sélectifs, beaucoup moins de contrats que d’ordinaire semblant se signer sur des projets de films mais les affaires repartant à un niveau plus qu’honorable pour les films terminés montrés au Marché.

Quant au public berlinois, il fit un beau succès au Festival, avec plus de… 270.000 billets vendus dès la première semaine. Il est vrai que le Festival, qui accepte donc le public payant non professionnel, contrairement à Cannes, sait se donner aux Berlinois. Outre l’invitation de nombreuses stars, de Leonardo DiCaprio à Isabelle Adjani, d’année en année, il sait aller à la rencontre du public local en organisant des projections dans un nombre sans cesse croissant de cinémas à travers la ville, qui reprennent l’une ou l’autre de ses sections, jusqu’à l’immense Friedrichpalast flambant neuf en plein Berlin-Est reconstruit.

Plusieurs autres événements concoururent enfin à faire de Berlin la capitale du cinéma mondial du mois de février, comme l’importante opération « Talent Campus« , qui fait venir des dizaines d’aspirants cinéastes et même critiques du monde entier pour dix jours de leçons de cinéma enseignées par les plus grands professionnels (Alexandre Desplats donna ainsi une « leçon » de musique de film) ou, plus festive, « Shooting Stars » qui permet de promouvoir une douzaine de jeunes acteurs européens choisis par les organismes de promotion des cinémas de leurs pays. On en oubliait la neige qui tomba de façon quasiment continue pendant la première moitié du festival… et les nombreuses glissades sur les trottoirs des professionnels du cinéma qui avaient trop cru à la rapidité du réchauffement climatique pour se parer des rigueurs de l’hiver berlinois!

Philippe J. Maarek