40 bougies pour Toronto en 2015!

Le Festival International du Film de Toronto a fêté en Septembre 2015 son 40° anniversaire. Initialement « Festival des Festivals » destiné à amener au grand public de la capitale de l’Ontario les meilleurs films du monde entier, le Festival a réussi à devenir, sous la houlette de son Directeur, Piers Handling, l’un des trois rendez-vous incontestables du cinéma mondial, avec Berlin et Cannes, détrônant implicitement petit à petit Venise de son ancien rang.

press-tiff40-blueTrès astucieusement, Piers Handling, Cameron Bailey, le directeur artistique du Festival et Michèle Maheux, sa Directrice Exécutive, avaient décidé de ne pas mettre d’emphase excessive sur le fait qu’il s’agissait du 40° anniversaire et de continuer à focaliser l’attention sur les films. Certes, on distribua largement une revue rappelant l’histoire du Festival et on vendit un peu plus de gadgets – labellisés « Quarantième » –  qu’à l’ordinaire, mais en somme, pas de fête somptuaire détournant l’attention de la programmation. Simplement, comme l’an dernier, les Torontois purent profiter durant le premier week-end de la piétonisation de la rue qui borde le quartier général du Festival pour baguenauder entre les stands forains, les concerts gratuits, et bénéficier de toutes sortes de petits cadeaux et d’échantillons gratuits de produits divers distribués à qui mieux mieux!

Une programmation d’une richesse imposante

La programmation, parlons-en, justement, n’a jamais paru aussi imposante, battant le record de l’an dernier cette année avec 399 courts et longs métrages en provenance de 71 pays (dont 133 premières mondiales). Elle alla dans deux directions apparemment contradictoires qui font la richesse de la manifestation. D’un côté, fidèle à sa réputation de lancer la campagne des Oscars, Toronto a accueilli nombre de « premières » des grands studios Hollywoodiens, sans compter une grande partie des têtes de pointe de la sélection de Venise, en première Nord-Américaine. De l’autre, ses nombreuses sections (13 au total cette année!) permirent aux fidèle et nombreux public de la ville de voir la quintessence du cinéma mondial de ‘année écoulée – invisible autrement, à Toronto, comme d’ailleurs dans toute l’Amérique du Nord, ou presque.

THE MARTIAN
La section la plus prestigieuse, « Gala », comportait 20 films d’ampleur, complétée en fait par les 13 longs métrages de la section « Masters ».  Elle fut ouverte par Démolition, l’excellent film du Québécois Jean-Marc Vallée qui donne à Jake Gyllenhal l’occasion de liver à nouveau une composition extraordinaire, en homme assommé psychologiquement par la mort accidentelle de sa femme à son côté, et qui se met à détruire petit à petit sa propre maison en guise de compensation. On  vit en galas, comme à l’accoutumée, quelques films qui devraient faire une carrière les menant jusqu’aux Oscars, comme Le Martien qui marque le grand retour au premier plan de Ridley Scott, à qui l’espace est décidément fort bénéfique depuis Alien. Le film donne aussi sans aucun doute toutes ses chances pour un Oscar d’interprétation à Matt Damon, omniprésent à l’image dans une prestation fort crédible de botaniste-expert des sols extraterrestres.

L’une des raisons de la popularité du Festival auprès des producteurs d’Hollywood est le fait qu’il s’agit d’un événement avec un « vrai » public et non compétitif, sans DRWYAk_room_01_o3_8707117_1438094905les aléas des prix décernés par des jurys parfois composés à la va-comme-je-te-pousse obéissant aux calendriers chargés des uns et à la nécessité d’y faire figurer quelques stars à paillettes pas forcément cinéphiles. Le seul « vrai » prix décerné à Toronto a longtemps été son prix du public, justement, décerné par un vote des spectateurs à la sortie des films, aujourd’hui le « Grolsch people’s choice award », du nom de son sponsor, la bière de ce nom. Il fut décerné cette année à Lenny Abrahamson pour Room , un film irlando-canadien de la section « Présentations Spéciales », adaptant à l’écran le best-seller homonyme bien connu d’Emma Donoghue. Succès somme toute inattendu, le film n’avait évidemment pas eu au départ le retentissement de Where to invade next, le nouveau docu-fiction de Michael Moore présenté dans la même section qui retint l’attention de nombreux acheteurs potentiels de ses droits de distribution, à commencer par Netflix. Michael Moore y parcourt l’Europe (et fait même un crochet en Tunisie) pour montrer que la vie y est souvent plus facile qu’aux Etats-Unis, non sans une certaine mauvaise foi amusante qui fait le charme du film. Room était notamment suivi dans les suffrages par Spotlight. Ce film de Tom McCarthy retrace l’enquête qui permit aux journalistes du « Boston Globe » de lever le voile sur la sinistre affaire de pédophilie dans l’Eglise catholique nord-américaine qui n’a toujours pas fini de laisser des traces. La mise en scène convenue n’y exploite à vrai dire pas très bien le potentiel d’une belle équipe d’acteurs menés par Marc Ruffalo, Michael Keaton  et Rachel McAdams.

En 2015, contrairement à l’habitude, le Festival avait décidé de créer une petite section compétitive particulière, « Platform »,  composée de douze films « d’auteur », en somme, au vu de la sélection qui avait été décidée. Elle comportait une forte représentation de la France, par Bang Gang d’Eva Husson, par Un Français, de Diastème, par Sky, de Fabienne Berhaud et par le franco-belge Les Chevaliers Blancs, de Joachim Lafosse. Le jury international de trois NxWM8K_hurt_06_o3_8760768_1439477111personnes formé de Jia Zhang-ke, Claire Denis et Agnieska Hollanddécida de donner les 25.000 dollars du prix au Canadien Alan Zweig pour Hurt. Ce documentaire touchant et remarquable s’attache au destin difficile de Steve Fonyo, dont la jambe fut emportée par un cancer foudroyant alors qu’il avait 18 ans à peine, et qui avait ému tout le Canada à l’époque, avant de sombrer dans la drogue et les petits larcins sans jamais pourtant perdre le moral.

Par ailleurs, un Jury de la Fipresci décerna deux prix de la Critique Internationale, l’un, dans la section « Découvertes » au Slovaque Marko Skop pour Eva Nova,  l’autre, dans la section « Présentations Spéciales » au Mexicain Jonas Cuaron pour Desierto. Enfin, un jury ad hoc donna à Closet Monster de Stephen Dunn le Prix « Canada Goose » du meilleur film canadien, présenté dans la section « Découvertes ».

Ajoutons que le Festival comportait également une section « Cinéma du Monde Contemporain », véritable pot-pourri des meilleurs films vus dans l’année par ses sélectionneurs, une section « Midnight Madness » fort originale menée par Colin Geddes, donnant ainsi voix au chapitre au cinéma de « série B », un hommage en films à la ville de Londres, et, même pour la première fois, une ouverture vers les séries télévisées avec une section « Prime Time », où, entre autres, on pouvait voir en avant-première, les deux premiers épisodes de la série Heroes Reborn – sans compter que l’une des Master Class fut une « Conversation » avec Matthew Weiner, l’auteur des Sopranos et de Mad Men. Bref, de quoi faire regretter aux festivaliers cinéphiles de ne pas avoir trois ou quatre mois pour tout voir et tout faire!

Les professionnels aussi

Les nombreux professionnels présents purent, comme depuis l’an dernier, bénéficier d’un accès privilégié et relativement aisé aux films grâce à l’ajout du grand cinéma-théâtre « Princesse de Galles », qui jouxte l’immeuble du Festival, le « Bell Lightbox », et  l’hôtel Hyatt voisin, quartier général des acheteurs et vendeurs venus du monde entier. On y trouvait notamment une salle de visionnement gérée par l’efficace système de streaming à accès contrôlé de la société « Cinando », fondée et dirigée par Jérôme Paillard, le Directeur du Marché du Film de Cannes.

IMG_5153De nombreux organismes de promotion de cinémas nationaux furent aussi de la partie, comme « European Film Productions » avec le bien rôdé « Producers Lab », lieu d’échanges et de rencontres entre producteurs, et Unifrance, bien sûr, pour défendre le cinéma français, dont le stand ne désemplit pas. Une opération spéciale de promotion de livres adaptables au cinéma, « Shoot the book », avait également été montée par plusieurs sociétés d’auteurs en collaboration avec l’Ambassade de France au Canada pour encourager la vente au cinéma de droits d’adaptation d’une sélection de livres.

Ajoutons que l’installation du Festival dans ses propres locaux, le « Bell Lightbox », un bâtiment tout neuf construit pour lui en plein cœur du quartier des théâtres, lui permet de continuer à s’adresser au public torontois toute l’année, par ses salles de cinéma, bien sûr, mais aussi par ses expositions (une exposition inédite « Warhol et le cinéma », y débute en octobre), etc. Cette année, pour a première fois, TIFF, la Fondation du Festival, et le Bell Lightbox accueilleront un « résident », le scénariste et réalisateur Len Blum, qui pourra ainsi bénéficier pendant un an d’une bourse un peu équivalente pour le cinéma à ce que la Villa Médicis à Rome est pour les artistes français.

Philippe J. Maarek

Toronto 2014: le retour des acteurs-stars !

Pour sa 39° édition, le Festival International du Film de Toronto (TIFF) a continué à croître tout en semblant tester de nouvelles initiatives afin de préparer son 40° anniversaire, l’an prochain.

Avec la programmation cette année de 393 courts et longs métrages en provenance de 79 pays (dont 143 premières mondiales), avec la présence de plus de 5.000 professionnels venant de 80 pays, Piers Handling, directeur de la manifestation, et Cameron Bailey, son directeur artistique, appuyés par Michelle Maheux, la Directrice exécutive du Festival, ont battu une fois de plus leurs propres records, faisant ainsi à nouveau de Toronto le vrai carrefour du cinéma de la rentrée de septembre. Une fois de plus, le festival a su offrir à son chaleureux public aussi bien une importante sélection des meilleurs films présentés dans les autres manifestations cinématographiques mondiales tout au long des mois précédents qu’un important ensemble de films inédits – d’où l’intérêt des nombreux professionnels présents.

THE IMITATION GAMENon compétitif, le Festival de Toronto attire beaucoup de producteurs, et notamment ceux d’Amérique du Nord, qui s’en servent comme une projection test, une « sneak-preview » officielle, en quelque sorte. Ils évitent ainsi de risquer les jugements à double tranchant des palmarès des compétitions officielles vénitiennes ou autres. En l’absence de jurys, il y a tout de même quelques prix, mais un seul y marque véritablement les esprits, le prix du public, le « Groslch People’s Choice Award », décerné par vote dans des urnes à la sortie des projections. C’est le film très attendu de Morten Tyldum The Imitation Game, qui en a été le récipiendaire cette année. Certes de facture un peu convenue, il met en scène la vie de Alan Turing, le mathématicien prodige britannique qui parvint à déchiffrer les méthodes « Enigma » de codifications militaires nazies durant la Seconde Guerre Mondiale, mais qui eut une fin tragique, du fait de la révélation de son homosexualité, à une époque où celle-ci constituait encore un crime en Grande-Bretagne. Le film vaut surtout par la magnifique prestation de Benedict Cumberbatch, la révélation de Le Hobbit : La Désolation de Smaug et qui tient actuellement la vedette de la série télévisée Sherlock. The Imitation Game le voit bien parti pour un Oscar de la meilleure interprétation masculine. On parle même aussi de celui du meilleur second rôle féminin pour la belle prestation de Keira Knightley, dans une manifestation qui est connue comme une des meilleures rampes de lancement pour l’obtention de la célèbre statuette…

Seules véritables concessions au parti-pris non compétitif du Festival, des prix sont remis par deux jurys aux meilleurs films canadiens, afin de défendre la cinématographie locale. Ils revinrent cette année à Félix et Meira, du Québécois Maxime Giroux pour le long métrage, à Jeffrey St Jules pour Bang Bang Baby, en tant que premier long métrage, et à Randall Okita pour The Weatherman and the shadowboxer, pour le court-métrage. Notons que la Critique Internationale, la Fipresci, décerne également deux prix à Toronto. Son prix pour la section « Découvertes » est revenu à Qu’Allah bénisse la France, de Abd Al Malik. Quant au prix de la Fipresci pour le meilleur film de la section « Présentations spéciales », il a été remis à Time Out of Mind, de Oren Moverman, là encore un film porté par son acteur principal, ici Richard Gere.

Le retour des acteurs-stars

JUDGE, THELe millésime 2014 du Festival de Toronto a d’ailleurs semblé marquer le grand retour des acteurs de premier plan dans le cinéma mondial, plusieurs autres films ayant aussi été littéralement survoltés par la performance de leurs acteurs principaux. C’est ainsi le cas de Nightcrawler, de Dan Gilroy, littéralement transcendé par une performance hallucinante de Jake Gyllenhaal, sans qui le film aurait sans doute tourné vers la banalité d’un film noir à la trame relativement ténue. De même dans The Judge, de David Doblin, le beau duo formé de Robert Downey Jr et de Robert Duvall fait oublier la minceur du scénario. Citons encore Wild Thing, de Jean-Marc Vallée, qui n’existerait sans doute pas aussi fortement sans le travail sur elle-même de Reese Witherspoon, dans un contre-emploi fort réussi qui l’éloigne des rôles qui avaient initialement fait sa célébrité. On a aussi fort remarqué la magnifique performance de  Nina Hoss dans Phoenix, un film brillant dont on se demande comment il a pu passer inaperçu par les sélectionneurs des grands festivals compétitifs de l’année écoulée! Nina Hoss y tourne à nouveau sous la direction de Christian Pietzhold qui l’avait déjà si bien dirigée dans Barbara. Elle emporte ici superbement la conviction dans un double rôle dramatique où, de retour des camps de concentration allemands, non reconnue par son ancien mari qui l’a peut-être trahie parce qu’elle est juive, elle est incitée par celui-ci à incarner… sa propre identité, car il veut toucher son héritage. Un sujet difficile, traité avec tact et brio, aussi bien du point de vue scénaristique que de celui de la mise en scène, et, bien sûr,  de celui de l’interprétation de Nina Hoss.PHOENIX

Cette année, le Festival de Toronto a semblé tester deux nouvelles initiatives, sans doute pour les reprendre pour son 40° anniversaire en cas de succès. La première initiative, incontestablement réussie, a été d’augmenter encore la synergie réalisée de longue date avec la population de la ville, en organisant une véritable fête populaire le long de la rue King qui borde son quartier général, le Bell Lightbox, et ses deux salles de Gala, le Roy Thompson Hall et le Princess of Wales. Une portion de la rue devint piétonnière à leur niveau pendant tout le premier week-end du festival. Tables de restaurant ou de pique-nique, amuseurs et stands d’alimentation ou de jeux divers, en firent un véritable événement populaire. La seconde initiative, en revanche, fut plus contestée, et son sort semble incertain. Las de voir quelques premières nord-américaines lui échapper au profit du Festival de Telluride, qui le précède de quelques jours, le Festival avait en effet décidé de ne programmer ces films qui n’étaient de ce fait plus de « véritables » premières qu’après son premier week-end, à partir du cinquième jour. De ce fait, le bouche-à-oreille qui propulse habituellement achats et ventes de films par les professionnels fut bien plus lent qu’à l’ordinaire, puisque plusieurs des « locomotives » les plus attendues, comme ne commencèrent à être projetées que le lundi ou le mardi… après que nombre de professionnels soient repartis, la crise économique faisant que la présence pendant toute la durée du festival est devenue trop coûteuse, à Toronto comme à Berlin ou Cannes. En revanche, les cinéphiles torontois ne se plaignirent pas de cette innovation, bien sûr, puisqu’ils purent ainsi aller de découverte en découverte tout au long du festival, au lieu d’avoir à faire des choix cornéliens durant le premier week-end, remplissant ainsi aussi bien les salles des Galas que toutes les autres, sans oublier la section « Midnight Madness » (« Folies de Minuit »). Il y eut même d’ailleurs cette année pour la première fois à Toronto une section dédiée aux courts-métrages.

La sélection française, avec 55 films, menée par l’élégance de Juliette Binoche dans Sils Maria d’Olivier Assayas et par celle de Catherine Deneuve dans Trois Cœurs de Benoit UnifranceJacquot, n’a jamais été aussi importante, comme l’a bien montré l’affluence sur le stand d’Unifrance qui la coordonnait et la réussite de sa réception, sans aucun doute l’une des plus courues par les professionnels présents à Toronto. De son côté, l’organisme de promotion intereuropéen « European Film Promotion  » organisa à nouveau cette année à Toronto son « Producers Lab », plate-forme de rencontre entre dix producteurs européens, dix de leurs homologues canadiens et quatre australiens et Néo-Zélandais.

On signalera enfin que l’installation du Festival dans ses propres locaux, le « Bell Lightbox », un bâtiment tout neuf construite en grande partie à l’aide d’un financement par donations, est maintenant bien rodée, tout comme le regroupement de la manifestation dans la partie sud de la ville, après des années d’errance et de dispersion dans des salles réparties aux quatre coins de la ville. Il en profite maintenant pour se diversifier dans diverses manifestations de promotion du cinéma tout au long de l’année, à commencer par de belles expositions,  Celle dédiée à Stanley Kubrick dès cet automne succédera à celle consacrée à David Cronenberg l’an dernier.

Philippe J. Maarek

Le Festival de Toronto toutes voiles dehors !

On savait déjà depuis quelques années que le Festival de Toronto était devenu l’une des trois ou quatre manifestations cinématographiques les plus importantes au monde, aussi bien du point de vue des films présentés que de celui de la profession, en particulier des exportateurs et acheteurs de films. Cette année, le Festival a bénéficié de la mise en service complète du Bell Lightbox, un immeuble entier flambant neuf comportant cinq salles de cinéma et des espaces d’exposition et de réunion, qui lui appartient en propre, après une souscription privée considérable. La manifestation s’est en outre maintenant regroupée dans la vicinité de son nouveau quartier général, sur quelques pâtés de maison de la ville, devenant ainsi infiniment plus facile pour les festivaliers. L’ouverture aux projections spéciales de la grande salle voisine de 1.500 places du théâtre « Princess of Wales » voisin a également donnée de nouvelles possibilités cette année.

Mais l’édification d’une domicile permanent propre au Festival, avec de nombreuses autres manifestations dorénavant organisées tout au long de l’année, n’est pas la seule ambition de Piers Handling, qui dirige de longue date l’ensemble de ces opérations. Assisté par Cameron Bailey à la codirection du Festival du Film à proprement parler, Piers Handling est une fois de plus parvenu à présenter au début de l’automne la fine fleur du cinéma mondial, qu’il s’agisse des films d’auteur ou des « locomotives » hollywoodiennes – ce qui en fait un événement de plus en plus « glamour » qui a maintenant aussi l’honneur des pages des magazines « people »: Georges Clooney, « Bragelina », Madonna ou Juliette Binoche, les flashes des photographes ont crépité!

L’aspect non compétitif du festival lui a en outre permis, comme chaque fois, de présenter aussi bien des films inédits, que des films « phare » présentés durant les mois précédents dans le monde entier, à commencer par les films les plus forts du Festival de Venise (avec un léger décalage symbolique seulement). Qu’il s’agisse du Lion d’or, le Faust, film de la maturité d’Aleksander Sokurov, de Shame, dont la mise en scène remarquable de Steve Mc Queen a valu à son acteur principal, Michael Fassbender, la Coupe Volpi du meilleur acteur, ou du populaire film d’ouverture, Les Ides de mars, de George Clooney, Venise était à Toronto, en somme. Mais l’on y vit aussi plusieurs des grandes nouveautés anglo-saxonnes de l’automne, y compris parfois des œuvres de facture plus « grand public », comme l’intelligent et humoristique Hysteria, de la réalisatrice Tanya Wexler, avec notamment Maggie Gillenhaal, le désopilant The Oranges, de Julian Farino, avec une distribution menée par Oliver Platt, Leighton Meester, Allison Janney et Hugh Laurie, ou le Trespass de Joel Schumacher avec Nicole Kidman, lui, huis clos bien banal, en vérité, comparé à ceux de Michael Hanneke… On vit aussi à Toronto Damsels in distress, le grand retour à l’écran après une longue absence, de Whit Stilman, l’auteur de Barcelona, un film dont l’humour complice se lit à chaque instant à plusieurs degrés tant il est en réalité fait de subtiles complexités superposées.

Au total, le Festival, ce fut 336 films, en provenance de 65 pays (dont 268 longs métrages) projetés dans une vingtaine de sections, de la populaire « Midnight Movies » dédiée aux films qu’on aurait autrefois qualifiés « de Série B », à la plus allusive section de documentaires « Real to reel ». Parmi eux, les films français furent nombreux, plus d’une trentaine, menés notamment par The Lady, le film de Luc Besson inspiré par la vie de la dissidente birmane Aung San Suu Kyi, et par Mon pire cauchemar, en première mondiale, le nouvel opus d’Anne Fontaine dont Isabelle Huppert tient la vedette en compagnie de Benoit Poelvoorde.

Les habitants de Toronto se pressèrent nombreux dans les salles durant les onze jours du festival, comme à l’accoutumée, et récompensèrent du « Grand Prix Cadillac du Public« , Where do we go now?, le second film de la réalisatrice de Caramel, Nadine Labaki. Les critiques de la Fipresci décernèrent quant à eux leur « Prix de la Critique Internationale » au vétéran italien Gianni Amelio pour Le Premier Homme et à Axel Petersen pour Avalon.

Quant aux professionnels, ils se bousculèrent lors des projections qui leur étaient réservés, même si la crise sembla initialement ralentir les flux d’achat. Mais vendeurs et acheteurs étaient bien tous là, ou presque, comme à Berlin ou à Cannes, comme on a notamment pu le vérifier lors des très courues réception d’Unifrance ou de « European Film Promotion », l’organisme de promotion du cinéma européen – qui avait à nouveau organisé son initiative d’aide aux coproductions entre l’Europe et le Canada, « Producers Lab Toronto« . Le cinéma mondial était bien présent dans la « Rue Royale » (King Street) de Toronto en septembre!

Philippe J. Maarek

Le Festival de Toronto à son apogée!

D’année en année, le Festival de Toronto sait prendre avec une aisance remarquable une ampleur qui semble bien en faire maintenant l’un des deux plus importants rendez-vous du cinéma mondial avec Cannes. Avec l’ouverture cette année de son quartier général, Bell Lightbox, le Festival a pris en outre en 2010 une nouvelle figure, regroupant avec bonheur l’essentiel de ses activités dans le même quartier de la ville (voir par ailleurs)

Grâce à son éclectisme, sur lequel veille de longue date Piers Handling, maintenant aidé à la codirection du Festival par Cameron Bailey, le Festival de Toronto est en effet parvenu à présenter au début de chaque automne la quintessence du cinéma mondial d’auteur, tout en parvenant à conserver les faveurs du cinéma hollywoodien… et de ses stars, ce qui en fait aussi l’attrait.

Cette année, parmi les 339 films, en provenance de 59 pays (dont 258 longs métrages) projetés dans une vingtaine de sections, on pouvait y découvrir des films hollywoodiens en avant-première comme The Town, de Ben Affleck, ou The Conspirator, de Robert Redford, dans la section « Gala », qui attire tous les soirs stars, paillettes et photographes – et où la Potiche de François Ozon fut fort bien accueillie. Mais le Festival comprend aussi des parties moins directement tournées vers le grand public, comme la section « Discovery » où l’on projetait par exemple Notre Etrangère, le film Franco-Burkinabé de Sarah Bouyain avec Dorylia Calmel et Nathalie Richard ou Attenberg, le film de la grecque Athina Rachel Tsangari qui avait été l’une des révélations du Festival de Venise, quelques jours auparavant. Même les amateurs de cinéma fantastique ou marginal trouvent leur bonheur à Toronto avec la section « Midnight Madness » (Folie de Minuit), qui accueillait notamment en 2010 le grand retour de John Carpenter, le réalisateur du Halloween originel, avec The Ward.


L’explication de cette réussite à tous les niveaux tient sans doute au caractère non compétitif du Festival et à son éclectisme corollaire, puisque ses programmateurs, du coup, ne s’interdisent aucun film. Cette réussite tient aussi incontestablement à la présence d’un public passionné. Le Festival est en effet ouvert au grand public, contrairement à la plupart de ses homologues (et en particulier avec Cannes), et les acheteurs et vendeurs professionnels de films du monde entier ont appris à apprécier le grand naturel qui s’ensuit de l’accueil fait à leurs films.

La seule récompenses « officielle » importante données durant le Festival est d’ailleurs le Grand Prix Cadillac du Public, décerné cette année à The King’s speech, du britannique Tom Hooper. Colin Firth y interprète magistralement le Roi George VI d’Angleterre au moment de son accession inattendue au trône, à la suite de l’abdication d’Edouard VIII, son frère aîné. On notera que la Fipresci décerne également son Prix de la Critique Internationale lors du Festival, qui est revenu à l’Américain Swan Ku pour Beautiful boy.

Les producteurs et vendeurs français ont maintenant bien compris l’importance du Festival de Toronto: l’essentiel des nouveautés du moment en France fut présenté dans les différentes sections du festival. L’élégante réception organisée par Unifrance permit à nos professionnels de faire honneur à près de 300 de leurs homologues étrangers, leurs clients, en somme! De même, European Film Production, l’organisme de promotion du cinéma européen, organisa pour les professionnels européens deux événements fort courus, dont une initiative directement destinée à aider les coproductions entre l’Europe et le Canada, « Producers Lab Toronto« : trois jours d’échanges intensifs juste avant le Festival entre douze producteurs européens triés sur le volet et douze canadiens. Le cinéma, c’est aussi ça!

Philippe J. Maarek

BELL LIGHTBOX: CINQ ETAGES DE REVE POUR LE CINEMA A TORONTO

Après dix années, le rêve de Piers Handling, le PDG du Festival de Toronto et de Michelle Maheux, la Directrice Exécutive, s’est enfin réalisé: un superbe bâtiment de cinq étages flambant neuf , le « Bell Lightbox » (La Boite à Lumière de Bell) à peine terminé est devenu pour la première fois le quartier général du Festival. Il s’agit tout simplement du plus important bâtiment consacré au cinéma au monde, semble-t-il.

Grâce au départ à la donation d’un terrain en plein centre ville par la famille canadienne Reitman (les cinéastes Ivan – SOS Fantômes – et Jason – In the Air) – l’équipe du Festival a pu lever en une dizaine d’années et malgré la crise économique plus de 190 millions de dollars canadiens pour édifier un édifice permanent qui lui permet maintenant de poursuivre avec cohérence tout au long de l’année l’ensemble de ses activités: c’est-à-dire, au-delà du Festival annuel, la programmation d’une Cinémathèque, d’un festival de films pour enfants (Sprockets), etc.

Sur les cinq étages de Bell Lightbox, on trouve cinq salles de cinéma ouvertes au public tout au long de l’année, dont une grande de 550 sièges, deux galeries pour des expositions sur le cinéma, trois studios de montage et d’apprentissage, et, pour l’accueil du public, trois restaurants ou cafés, sans compter évidemment les bureaux du Festival et de ses autres manifestations. La première d’entre elles, destinée, cette fois, aux Torontois cinéphiles, Essential Cinema, leur présente les cent films jugés les plus importants de l’histoire du cinéma mondial par l’équipe des programmateurs du Festival, et a ouvert ses portes à peine le Festival terminé!

P.J.M.