L’Union des Journalistes de Cinéma demande à Aurélie Filipetti de reclasser immédiatement Nymphomaniac normalement
Communiqué de Presse du 28 février 2014
Alors que le film de Lars Von Trier avait été autorisé par la Commission de Classification des Films, suivi par le Ministère de la Culture, aux mineurs de moins de 12 ans (pour la première partie) et de moins de 16 ans (pour la deuxième partie), une association a réussi à obtenir d’un juge administratif en urgence une suspension de cette classification, pour une mesure plus dure (moins de 16 ans et moins de 18 ans).
Même si cette suspension de la décision de classification n’est que temporaire, puisqu’un jugement interviendra par la suite pour la valider ou non, il est clair que cette suspension correspond à un arbitraire inadmissible dans un pays où la liberté d’expression ne devrait absolument pas, par principe, être soumise à une censure préventive – au-delà des conséquences économiques importantes de cette censure, qui limite considérablement les possibilités de diffusion du film à la télévision, en particulier.
Dans le cas du cinéma, cette décision est d’autant plus étonnante qu’une Commission de 28 membres et 55 suppléants (où les professionnels du cinéma ne sont même pas majoritaires, mais des représentants de diverses catégories de personnes désignées par l’Etat!) a pris une décision éclairée. Qu’une seule personne, fut-ce un juge administratif, ait donc pu suspendre et aggraver cette décision collective de classification, entérinée par le Ministère de la Culture, même temporairement en attendant un jugement définitif, n’est pas acceptable.
L’Union des Journalistes de Cinéma demande donc par la présente à Aurélie Filipetti, Ministre de la Culture, de prendre à nouveau immédiatement une décision de classement similaire à la précédente, et de prendre toutes mesures nécessaires, y compris législatives, pour qu’une telle situation ne puisse plus se reproduire. Un juge solitaire ne doit pas pouvoir entraver la liberté d’expression cinématographique, à laquelle la procédure de classification des films doit accorder une garantie nécessaire et suffisante.
Un 8° Abricot d’or goûteux à Erevan!
Le 8ème Festival international du film d’Erévan, s’est tenu en Arménie du 11 au 17 juillet. Cette manifestation est appelée Abricot d’or, en hommage au fruit si goûteux dont c’est la pleine saison en ce début d’été.
Le Festival, c’est l’occasion unique de voir en Arménie le meilleur du cinéma contemporain. The Tree of Life de Terence Malick, Copie conforme d’Abbas Kiarostami, Melancholia de Lars Von Trier, Pina de Wim Wenders, Le Cheval de Turin de Bela Tar ou Il était une fois en Anatolie de Nuri Bilge Ceylan ont été projeté devant un public très jeune et avide de cinéma qui a envahit les salles de projection du Palais Moscou. Il est vrai qu’Erévan ne compte plus qu’une seule salle commerciale. Bela Tar, Abbas Kiarostami et Nuri Bilge Ceylan sont venus présenter leurs films et répondre aux nombreuses questions du public. Dans la compétition internationale, Une Séparation d’Asghar Faradi qui a remporté la récompense la plus prestigieuse, l’Abricot d’or. Le réalisateur iranien n’a pas pu, pour des raisons politiques, venir recevoir ce prix.
La sélection arménienne a permis aux nombreux participants de découvrir la richesse artistique de ce pays dont la culture est millénaire et l’histoire dramatique. Le génocide de 1915 et les relations douloureuses avec la Turquie sont souvent au cœur des documentaires et donnent aux films de fiction une intensité particulière.
Une rétrospective des films de Dmitry Kesayants (1931/2001) a permis de découvrir ses films les plus anciens, dont Le Maître et le serviteur (1962) ou Le Roi Chakh-Chakh (1969) et de voir que la critique du régime soviétique peut s’exprimer sous forme de fables en apparence inoffensives.
Mais le film du réalisateur américain Brandon King, Here, entièrement tourné en Arménie, a dérouté les spectateurs. C’est l’histoire d’une rencontre amoureuse entre un géographe américain, chargé de cartographier l’Arménie, et une jeune photographe arménienne, qui parcourent ensemble le pays. Si les spectateurs arméniens ont savouré la beauté des paysages, ils ont eu du mal à accepter que le rôle principal soit confié à une non-arménienne, en l’occurrence Lubna Azabal (pourtant remarquable quand on ne parle pas couramment arménien…) et se sont plus attachés à repérer les erreurs que les partis-pris artistiques ou techniques.
Heureusement, d’autres films ont su gagner le cœur du public. Que ce soit des films de fiction, comme Lever de soleil sur le lac Van d’Artak Igityan et Vahan Stepanyan, évoquant avec finesse et humour la transmission de l’âme et de l’histoire arménienne entre un survivant du génocide et ses enfants et petits-enfants vivants à l’étranger. Ou documentaire comme Le Dernier hippy de la ville rose d’Anastasia Popova qui a permis d’évoquer le travail foisonnant de Robert Sahakyants, dessinateur et auteur de plusieurs films d’animation
Les pays de la CEI (états indépendants de l’ex Union soviétiques), pour fêter leurs 20 ans d’indépendance, avaient une sélection particulière, occasion unique de voir des films du Kazakhstan, Biélorussie, Tadjikistan, Moldavie ou Ouzbékistan et d’admirer la façon dont les cinéastes locaux utilisent la grammaire universelle du cinéma pour dire leurs préoccupations et leurs espérances. Enfin, pour la première fois cette année, le Festival accueillait une compétition de court-métrages. C’est Glasgow de Piotr Subbotko (Pologne) qui a été récompensé.
Magali Van Reeth