Melgaço 2025

MDOC Melgaço – un voyage sur les traces de la mémoire 

Melgaço – La première fois que j’ai entendu le nom de cette petite ville du nord du Portugal, c’entait dans les années 1980, lors du Festival de La Rochelle. Au détour d’une conversation, quelqu’un avait mentionné que le créateur et directeur du festival, le légendaire critique et écrivain Jean-Loup Passek, avait choisi ce coin caché du Portugal comme sa seconde patrie.  Il rêvait de fonder un « musée sentimental » où sa collection et ses archives sur le cinéma pourraient être exposée. Le soutien de ses premiers amis portugais et la confiance et la bienveillance du maire ont permis au projet de se concrétiser, dans un cadre idyllique, à l’abri des remparts historiques qui entourent le château dominant la ville, et de devenir le Le « Museu de Cinema de Melgaço – Jean-Loup Passek ».

Lorsque j’ai été invitée à rejoindre le Festival International de Documentaire de Melgaço comme membre du jury FIPRESCI, l’excitation fut immense. Je portais avec moi non seulement la curiosité́ pour les films que j’allais découvrir, mais aussi la sensation de voyager dans le temps, sur les traces de mes souvenirs de La Rochelle. 

Le Festival Internacional de Documentário de Melgaço (MDOC), créé en 2014, par la municipalité́ et l’association O Norte, est focalisé sur le cinéma social et ethnographique, avec trois sections compétitives. Sa structure est donc très éloignée de celle imaginée par Passek, et voir le prix principal porter son nom me sembla étrange, presque ironique.

Pourtant, en tant que jurée, j’ai trouvé l’expérience enthousiasmante : riche en découvertes, chaleureuse, conviviale. Chaque jour, les organisateurs nous invitaient à explorer le patrimoine de Melgaço, ses vignobles, son histoire, et la beauté́ saisissante de la vallée du Minho. Nous décernâmes le prix de la FIPRESCI à  My memory is full of ghosts  du cinéaste syrien Anas Zawahri, tandis que le principal prix, le prix Jean-Loup Passek, donc, fut attribué pour le long métrage à Cutting Through Rocks, des américains Sara Khaki et Mohammadreza Eyni.

Mais le MDOC ne se limite pas à ses projections. Deux programmes de résidences, l’un en cinéma, l’autre en photographie, visent à constituer un fonds audiovisuel du patrimoine immatériel de Melgaço, produisant des œuvres destinées à « l’Espaço Memória e Fronteira ». Ces créations lient la mémoire locale à la création contemporaine, prolongeant ainsi la curiosité́ et l’ouverture prônées par Passek, même si le cadre compétitif contredit ses idéaux. 

Lors de la cérémonie de clôture du festival, le documentaire L’homme du cinéma de José Vieira, commandé par le maire de Melgaço, qui part sur les traces de Passek entre la Rochelle et Melgaço , fut projeté́ en plein air au pied des ruines de la forteresse. Il s’ouvre sur une Citroën Diane qui serpente à travers la Galice, en route vers cette petite ville frontalière assoupie, lovée au creux des collines bucoliques de la vallée du Minho, entre vignes et forets. Et en le regardant, je pensai à mon propre voyage : moi aussi, j’avais conduit depuis la France, en camping-car, laissant défiler lentement les paysages et les cultures, faisant de la route une partie intégrante de l’expérience. 

À Melgaço, deux musées se font face comme en miroir : le Musée du Cinéma Jean-Loup Passek et le Musée de l’Émigration, qui raconte l’exode des Portugais vers la France. Deux musées, deux mondes, mais lies. C’est par les émigres que Passek découvrit Melgaço ; et c’est à Melgaço que son héritage a trouvé une maison. 

Cette dualité́ — entre cinéma et migration, entre universel et local, entre découverte et exil — me semble être l’hommage le plus juste qui puisse lui être rendu. Non pas le prix qui porte son nom mais l’ancrage de sa vie et de son œuvre dans un lieu marqué par les départs et les retours. Pour un homme qui voyait le cinéma comme un passage vers d’autres histoires, d’autres géographies, d’autres rêves, il ne pouvait y avoir de demeure plus appropriée. 

Barbara Lorey de Lacharrière 

NB : on trouvera une version augmentée de ce texte sur www.fipresci.org