L’arche du cinéma a débarqué à Deauville

deauvilleAprès le déluge, l’arche de Noé a débarqué ses voyageurs représentatifs des espèces animales et humaines sauvés des eaux, au sommet du Mont Ararat. Après le terrible vide qu’a créé le Covid-19 dans le Septième Art, le 46ème Festival du cinéma américain a servi d’ « arche » permettant de conserver de fins spécimens du cinéma américain contemporain. Mais le festival de Deauville fut aussi cette fois hexagonal, avec la projection de dix films « labélisés » Festival de Cannes, la principale victime de la pandémie parmi les grands festivals du cinéma. Et les plages de Deauville ont joué cette année le rôle du Mont Ararat !

Les drapeaux américains ont flotté, comme d’habitude, partout sur la station balnéaire, mais cette fois, il n’y avait pas de représentants en personne de cette Amérique cinématographique pour les admirer. Néanmoins, les films ont bien été là pour prouver les mots justes de l’invité principal du premier weekend du festival, le Délégué général du Festival de Cannes Thierry Frémaux, selon lesquelles il n’y pas de vrai cinéma sans salles et sans public. La grande et très fonctionnelle salle du Centre international de Deauville, majestueusement enterrée au bord de la mer en a donné la preuve. Elle était bien remplie – c’est-à-dire un peu plus qu’à la moitié, selon la réglementation sanitaire en cours, par des cinéphiles bien masqués et néanmoins bienveillants vis-à-vis des bons films – et même des moins bons – qui y ont été présentés. Même le diner d’ouverture a été maintenu- mais divisé en trois.

Le délégué général Bruno Barde a tenu sa promesse et réussi son pari et a même pu laisser généreusement la scène à ses collègues de Cannes, Pierre Lescure et Thierry Frémaux lors de l’ouverture. Celui-ci ne s’est pas privé de l’occasion de présenter de manière très détaillée les films qui auraient pu défiler cette année sur la Croisette tout en étant bien obligé de parader sur les non moins mythiques planches de Deauville. Cet œcuménisme, certes bienvenu, du millésime 2020 du Festival de Deauville a même parfois dérouté, lorsqu’on s’est demandé s’il ne fallait pas échanger le drapeau américain avec celui de la Corée puisque fut projetés, d’abord en ouverture du festival le très gentil, et parfois piquant, film sur l’immigration, Minari de Lee Isac Chung, ainsi qu’à un autre moment Peninsula, le film de zombies à sauce de pandémie du nouveau maitre oriental du genre Sang Ho Yeon. Mais l’apparition d’une vraie star hollywoodienne, Michaël Douglas, même en vidéo, dans le cadre d’un hommage à son père Kirk, décédé cette année, a un peu rassuré les amateurs de « l’American connection » habituelle de Deauville.

Le public a semblé beaucoup apprécier la très sympathique et très distinguée victime homosexuelle de l’injustice sociale,L’Oncle Frank d’Allan Ball. En revanche, Eleanor Coppola, a prouvé dans son film à sketches Love is Love is Love qu’un nom ne suffit pour faire du bon cinéma, réussissant même à susciter quelques rires déplacés derrière les masques du public, pourtant d’habitude si lénient, du Festival de Deauville. Deux femmes cinéastes ont marqué le festival. Kitty Green avec sa cruelle et précise mise en scène de The Assistant, et Kelly Reichardt avec First cow, un western socio-écolo un peu laborieux mais plein de belles  images et de bonnes intentions. Maints films de la sélection ont sombré, probablement à juste titre, dans une vision apocalyptique de l’Amérique, mais finalement, tous se sont réconciliés autour de l’inquiétant chef d’œuvre de  Sean Durkin The Nest , sur les dangers de la vie de famille.

Gideon Kouts

comp_photo-film-the-nest-ok-1900x1069Les prix du 46ème Festival de Deauville :

Grand prix, prix de la critique, prix de la révélation, The Nest, de Sean Durkin.

Prix du jury : Ex-aequo, First Cow de Kelly Reichardt et Lorelei de Sabrina Doyle

Prix de la mise en scène : The Assistant, de Kitty Green

Prix du public : Uncle Frank, de Alan Ball

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